Appropriation culturelle
Le milieu des arts est souvent en proie à des controverses impliquant des cas d’appropriation culturelle. Trop souvent, ces controverses sont suivies de débats éculés pendant lesquels les médias et la communauté artistique prétendent en comprendre l’enjeu. Nous voudrions établir une structure allant au-delà de la polarisation réductrice du débat « censure / propriété ».
On entend parfois, généralement de la bouche d’artistes blancs et hétérosexuels : « Ne m’imposez pas votre censure. En tant qu’artiste, je possède la liberté d’expression artistique. J’ai le droit de représenter toute personne, peu importe son ethnicité ou sa culture. Je n’ai pas besoin de demander la permission. » À ceux-ci s’opposent les artistes PANDC, les artistes queer et les féministes : « Moi aussi je suis artiste. Mes œuvres ont été effacées ou ignorées dans le monde des arts depuis des décennies, voire même des siècles. Je m’exprime au travers de mes expériences personnelles, de ma culture et de mon ethnicité. Certaines traditions dites artistiques de mon peuple sont sacrées, leur utilisation en tant que simples divertissements en devient donc inappropriée. Les cultures du monde ne sont pas un buffet à volonté pour le bon plaisir du monde des arts. »
Les récriminations des artistes PANDC contre l’appropriation culturelle répondent à l’utilisation problématique de leur identité, de leurs expériences et de leur culture par le monde artistique dominant. Ces conversations découlent d’affluents externes comme le colonialisme, les relations de pouvoir, la fragilité de la pratique artistique, la propriété culturelle, les traditions, le savoir des aînés ainsi que d’affluents plus personnels comme l’indépendance et l’affirmation artistique des artistes autochtones, la censure, la propriété intellectuelle, les nouveaux protocoles et méthodologies, les droits des artistes PANDC et l’hybridité culturelle.
Nous affirmons que pour aller au-delà d’une comparaison réductrice entre la censure et la propriété, il nous faut reconnaître deux choses. Premièrement, à travers l’histoire et les cultures, les pratiques artistiques se sont mélangées, fusionnées et se sont effectivement approprié certains concepts les unes des autres; c’est là la nature d’une culture en évolution, et donc, de ses moyens d’expression artistique. Deuxièmement, si l’on reconnaît le premier, il faut aussi reconnaître l’existence des relations de pouvoir. Elles colorent tout, incluant le domaine des arts où elles décident qui est célébré dans sa création et quelle méthode sera utilisée pour atteindre un nouvel auditoire.
Il n’est pas ici question de censurer qui que ce soit, car nous sommes conscients des dangers de réduire au silence un artiste. Toutefois, il est important de développer une compréhension moins réductrice d’un concept tel que la liberté d’expression artistique tout en appliquant des les principes de respect, responsabilisation et réciprocité. Nous soulignons que la « liberté artistique » est un terme qui émerge de la pensée philosophique occidentale sur la nature de l’être humain dans le contexte de la société. Ce n’est qu’une façon de comprendre cette relation.
Les problématiques liées à l’appropriation culturelle sont complexes et importantes. Nous constatons qu’une nouvelle compréhension de ce concept est nécessaire et que de nouveaux protocoles et méthodologies sont déjà en développement. Il va de soi que nous encourageons les discussions sur ce qui fonctionne, ce qu’il faudrait améliorer et ce qu’il faudrait éviter. Nous voulons encourager la collaboration artistique tout en échafaudant des solutions constructives aux problématiques connues. Nous aspirons à l’achèvement d’œuvres où tout partenaire artistique s’y sentirait respecté.
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