Le cœur du colloque Couleurs Primaires fut ce grand cercle de paroles, aussi lieu des cérémonies protocolaires, rassemblant l’entièreté des participante (e)s dans le gymnase. La thématique du « ré-ensauvagement de nos imaginaires / Re-wilding Our Imaginations » y prit formes de vie.
Reprenant l’expression imagée « marcher dans les pas des Anciens » ( puisant dans le passé pour engager l’avenir) comme piste de réflexions, j’étais content de partager ce principe de ré-ensauvagement de nos imaginaires pour renouveler nos relations avec le champ allochtone de l’art.
S’inspirant du politologue Kanien’ke ah :ka Taïake Alfred, professeur ici à l’Université de Victoria, ce questionnement sérieux, parce qu’éthiquement et esthétiquement engagé, allait magiquement profiter de l’ensoleillement et de la féminisation du débat par la présence et les réflexions de ma complice pour l’occasion, Vanessa Oliviera-Andreotti. Originaire du Brésil, elle ajouta les perspectives anciennes et actuelles du onde de la transmission des Amériques du Sud, ici au Nord.
Qui plus est, le tour de table des gens réunis avec nous, malgré la patience pour les traductions et l’immersion dans l’effervescence de la grande salle donneraient encore plus de substance aux dialogues. J’en retiens trois choses : (1) l’importance accordée au respect des savoirs, des savoir-faire et du savoir-vivre ensemble en liens avec les Anciens, dont l’incroyable rôle de résilience des femmes dont la puissance se transpose aujourd’hui dans les nouvelles générations; (2) de raconter nos histoires autochtones de l’art qui prennent en compte l’Américité de tout le continent et, (3) comme les Wampum, en réinterpréter les œuvres au présent.
En finale, pour « penser en action » en créant ce que j’appelle des harangues performées, chaussant mes mocassins et mettant mes bracelets, j’ai invité le groupe à me suivre à l’extérieur où nous attendait, sous un soleil éclatant, de grands totems pôles sculptés Songhees/Lekwungen.
Dans ce nouveau cercle, j’ai rappelé la mémoire du grand chef Kwakwaka’wakw Mungo Nakapankan Martin originaire de Fort Ruper et qui est décédé à Victoria (1962). Celui-ci a non seulement persisté pour célébrer les cérémonies de Potlatch même lorsqu’interdit par la Loi sur les Indiens, mais encore il a ravivé la mémoire des chants et les grands totems sculptés – il fut le mentor des frères Hunt et de Bill Read. On raconte encore sa performance lors de l’inauguration en 1953 du Musée de Victoria qui lui doit sa célèbre Longue Maison. Scindant en deux parties une boule de cuivre, il en jeta une dans la baie et garda l’autre soulignant, bien avant que le mot réconciliation soit en vogue, que la grande paix s’accomplirait quand les deux sections se noueraient à nouveau ! Accompagné par Vanessa, nous nous sommes rapprochés de la cascade d’eau ornant le Centre pour y jeter des sous de cuivre, symbole du pouvoir. J’ai alors brandi la petite amulette d’un épaulard en cuivre acheté au Musée. Le respect aux Ainés par une performance de ré-ensauvagement de nos consciences concluait ce bel après-midi ! – Voir la photographie - !
Guy Sioui Durand
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