Introduction
Au cours des dernières années, il y a eu une vague d’organisation antiraciste au sein de la politique queer contemporaine au Canada. La résurgence du militantisme queer asiatique partout au pays, l’organisation par Black Lives Matter Toronto et Vancouver contre la participation de la police à des défilés de la fierté ainsi que les mouvements s’opposant à la diversité de façade, ne sont que quelques-uns des nombreux exemples récents d’organisation antiraciste qui existe dans le Canada queer d’aujourd’hui. Dans cette vague politique, j’ai cofondé Love Intersections, un collectif d’artistes de couleur queer dont le mandat principal est de mettre en lumière les voix queer marginalisées dans nos communautés. Love Intersections émerge parmi de nombreux autres artistes queer de couleur, qui utilisent les arts pour interroger les formations sociales hégémoniques, y compris l’héritage du colonialisme, du racisme systémique et du cishétéropatriarcat. Les artistes queer de couleur sont aux prises avec la façon d’actualiser les discours d’« antiracisme », de « décolonisation », ainsi qu’avec un désir de défendre et d’élever les pratiques d’« intersectionnalité ».
Le terme « intersectionnalité » a été inventé par Kimberlé Crenshaw pour exprimer l’exclusion des expériences vécues par les femmes noires au sein du mouvement féministe de la deuxième vague (Crenshaw, 1989). Patricia Hill Collins, Audre Lorde et bell hooks ont également fait partie des nombreuses féministes Noires qui ont soutenu que les expériences de pouvoir oppressif (c.-à-d. le patriarcat) ne sont pas singulières et sont vécues différemment, à travers une multiplicité d’intersections. Les expériences de racisme systémique issu du colonialisme peuvent se recouper avec le patriarcat et la cishétéronormativité, par exemple, pour créer diverses barrières sociales et iniquités pour des personnes d’identités différentes.
Aujourd’hui, l’« intersectionnalité » s’est imposée comme un prisme que les défenseurs de la justice sociale peuvent utiliser pour interroger l’hégémonie au sein de divers mouvements sociaux. Il est presque impossible de rencontrer aujourd’hui des groupes d’activistes progressistes qui n’incluent pas une certaine forme d’« intersectionnalité » dans leurs mandats ou leurs programmes. L’« intersectionnalité » suggère que nos expériences vécues sont constituées d’une multitude d’« intersections ». Par exemple, je ne suis pas seulement une personne queer, je suis aussi un homme cisgenre d’origine chinoise. Ces différentes intersections forment la manière dont je perçois le monde ; une expérience qui change en fonction de la géographie, du contexte sociopolitique, de l’espace et du temps. Sur le papier, l’intersectionnalité nous permet de nous attaquer aux multiples expériences d’oppression (et de privilèges) qui nous touchent de façon systémique. Par exemple, dans de nombreux cas, mon expérience en tant qu’homme homosexuel au caractère féminin d’origine chinoise signifie que dans de nombreux espaces dans le monde, ma sécurité, ma sûreté et ma mobilité sociale sont affectées par ces intersections d’identité. Cependant, le fait d’être cisgenre, de sexe masculin, d’avoir un corps en pleine fonction et d’avoir pu m’offrir une éducation postsecondaire de niveau supérieur me donne certains privilèges et certaines devises sociales pour naviguer plus facilement dans le monde que ceux qui ne possèdent peut-être pas ces privilèges.
L’intersectionnalité est dans son fondement un outil pour explorer et pour s’attaquer au positionnement social, à notre situation géographique, par rapport à ceux qui nous entourent. C’est un outil qui nous permet de faire face à l’oppression et aux privilèges, et qui est particulièrement pertinent dans la politique queer au Canada aujourd’hui, alors que la communauté continue à travailler sur les questions actuelles de racisme systémique. La traduction de ces conceptions théoriques de l’intersectionnalité en pratique est une chose à laquelle travaillent de nombreux organismes queer. Cet essai est une exploration des possibilités de la pratique intersectionnelle et de la façon dont les artistes de couleur se sont engagés dans ce discours pour créer des changements sociaux.
Comment les artistes queers de couleur conçoivent-ils l’intersectionnalité comme une pratique pour transformer les communautés par la pratique artistique?
Cet essai abordera ces questions cruciales par le biais de l’exploration auto-ethnographique de mes propres expériences dans la création de Love Intersections et de notre relation continue avec le Vancouver Queer Film Festival. Ce qui suit sera une enquête sur la façon dont deux organismes queer s’efforcent d’intégrer les notions d’intersectionnalité dans leur travail. En tant que l’un des cofondateurs de Love Intersections, j’étudierai également certaines des philosophies que cet organisme a développées au cours des dernières années et qui tentent de matérialiser une politique d’intersectionnalité au-delà de la théorie et du superficiel.
Enfin, en tant qu’artiste queer de couleur moi-même, il est impossible d’aller de l’avant avec un projet de recherche si proche de ma propre expérience vécue, sans les intégrer au corps de la recherche. En utilisant des méthodologies développées grâce à l’auto-ethnographie féministe, je me situerai également dans le cadre de la recherche, et je débattrai de ma position dans ce discours, comme une artiste queer de couleur faisant un travail antiraciste dans ma pratique artistique.
Intersections de l’identité
Au printemps 2014, le conseil scolaire de Vancouver a entamé le processus habituel de mise à jour de sa politique anti-discrimination. Les politiques de lutte contre l’homophobie, qui datent de plus d’une décennie, étaient à l’étude. Le Comité consultatif sur la fierté de la ville de Vancouver a proposé d’élargir la politique pour inclure les personnes transgenres et les personnes non conformes au genre, et a suggéré une politique visant à avoir au moins une salle de bain privée non genrée dans chaque école. La nouvelle de ces mises à jour des politiques visant à protéger la sécurité des étudiants transgenres est venue aux oreilles des chrétiens évangéliques chinois, et la mise à jour des politiques a donné lieu à une énorme controverse qui a semé la discorde.
À l’époque, je travaillais pour Out in Schools, un programme qui offre des ateliers pour lutter contre l’oppression partout en Colombie-Britannique. Out in Schools a siégé au Comité consultatif sur la fierté et ma collègue Jen Sungshine et moi faisions partie d’une coalition de queers et d’alliés qui appuient la politique transinclusive. La controverse autour de la politique nous a touchés sur le plan personnel. En tant que personne d’origine asiatique, et en tant que personne ayant grandi dans la communauté évangélique chinoise, je me sentais en conflit avec les gens qui s’opposaient à la politique et qui me « ressemblaient ». En même temps, nous avons commencé à entendre des commentaires racistes de la part de nos alliés queers (majoritairement blancs), du type « Qu’est-ce qui rend votre peuple et votre culture si conservateurs? ». Nous étions frustrés par la façon dont ces commentaires ont effacé nos propres identités, en tant que queers qui sont aussi racialisé.e.s. Cette histoire est un microcosme des problèmes systémiques plus larges auxquels nous avons été confrontés dans la communauté queer, y compris la pression sous-jacente d’effacer son identité ethnoculturelle lorsque l’on s’affiche publiquement et que l’on est assimilé à la communauté eurocentrique dominante.
Les reportages des médias sur la controverse ont également fait remonter à la surface les questions de représentation, et plus particulièrement sur l’identité « ethnique chinoise » des protestataires chrétiens évangéliques. Pour donner du recul, plusieurs mois auparavant, un groupe de chrétiens évangéliques majoritairement blancs avait protesté contre une politique similaire dans une autre communauté, mais les médias n’avaient rien dit de l’identité ethnique de ces manifestants blancs anglo-saxons. Cette différence dans la représentation médiatique des communautés racialisées est un autre exemple de la façon dont la normativité blanche fonctionne en racialisant les communautés de couleur, dans le but de trouver des moyens de les marginaliser.
Nous avons décidé de remédier à nos frustrations et avons formé Love Intersections par désir de partager les différentes couches d’identité qui nous caractérisent. Quelles sont les histoires qui composent notre façon d’être? Comment les différentes rencontres avec les structures de pouvoir hégémoniques : l’homophobie, le colonialisme, le colorisme et la discrimination fondée sur la capacité physique, influencent-elles nos expériences vécues? Comment nos identités rencontrent-elles différentes expériences vécues à différentes intersections? Comment aborder l’« intersectionnalité » dans nos pratiques artistiques, afin de ne pas reproduire des discours opprimants envers les voix marginalisées?
Au moment où cette controverse a éclaté à la Commission scolaire de Vancouver, je travaillais comme coordonnateur des services d’approche pour le Theatre for Living, une compagnie de théâtre interactif axée sur la justice sociale située à Vancouver. Après avoir discuté de la controverse au bureau, Theatre for Living a proposé d’organiser un « dialogue théâtral », en utilisant une technique appelée « l’Arc-en-ciel du Souhait » pour rapprocher les parties opposées, pour s’humaniser mutuellement. La méthodologie de « l’Arc-en-ciel du Souhait » n’est pas de changer les opinions de l’une ou l’autre partie, mais plutôt de capturer un moment de solidarité, quoiqu’éphémère et souvent infime, entre deux parties opposées. Nous avons observé un moment de solidarité entre les deux parties lorsque les parents des deux côtés ont convenu qu’ils aimaient leurs enfants et voulaient aussi qu’ils soient en sécurité, et qu’il y avait peut-être des façons d’utiliser les arts pour bâtir la communauté au lieu de construire des barrières. Cette philosophie a inspiré une partie de notre désir de trouver des façons de concrétiser l’intersectionnalité. Elle a également amorcé un parcours personnel pour trouver des façons de travailler en collaboration avec les communautés de façon intersectionnelle. Plusieurs des philosophies que nous avons développées pour la pratique artistique de Love Intersections ont été inspirées par les philosophies du Theatre for Living.
Intersections intentionnelles
Lors de l’élaboration de protocoles intersectionnels pour notre pratique artistique, l’un de nos principaux objectifs était la façon dont l’intersectionnalité a été appropriée par les notions néolibérales de « diversité et d’inclusion ». La « diversité et l’inclusion » se sont traduites, de façon générale, par des gestes symboliques visant à rassembler des organismes et des identités marginalisés, sans mettre en œuvre des politiques transformatrices qui s’attaquent aux problèmes sous-jacents de la suprématie blanche et du racisme systématique. Par exemple, les quotas d’action positive pour la diversité visent à corriger le déséquilibre de la représentation dans les organismes, mais les structures qui y sont profondément enracinées renforcent le racisme systémique et demeurent inchangées. Je dirais qu’en fait, les normativités eurocentriques s’enracinent encore davantage à travers des formes symboliques d’action positive, en ce sens qu’elles deviennent un moyen d’excuser le silence de la résistance.
Pour y remédier, nous avons reconnu que l’approche statique de l’engagement dans la politique identitaire était l’un des principaux enjeux, et nous avons donc adopté une approche axée sur les relations, afin d’harmoniser nos politiques et notre pratique artistique aux besoins de la communauté. Alors que les pressions néolibérales exigent des retombées économiques relatives à l’inclusion des identités marginales, nous nous efforçons de trouver des moyens d’aborder les questions d’oppression et de marginalisation qui ne sont pas seulement transactionnelles.
Dans nos pratiques artistiques, cela s’est traduit par quelques principes fondamentaux :
- Se concentrer sur le processus : concevoir des projets qui ont un objectif final prédéterminé crée des restrictions sur la façon dont nous pouvons travailler en collaboration avec les communautés. Dans notre désir d’être responsables des voix que nous incluons dans nos projets, nous tenons à inclure une écoute active dans nos pratiques artistiques qui touchent nos collaborateurs et leurs communautés. Cela signifie qu’il faut être prêt à revisiter complètement les résultats du projet, si la communauté en exprime le désir. En tant que cinéastes qui utilisent les arts pour représenter les histoires des gens, nous sommes fondamentalement responsables envers les communautés avec lesquelles nous travaillons.
- Collaborer sur invitation : puisque nous sommes souvent étrangers aux communautés avec lesquelles nous travaillons, nous voulons faire preuve de responsabilité et de reconnaissance envers les récits que nous créons dans le cadre de notre pratique artistique. Plutôt que de se « parachuter » dans les communautés et de décider quelles histoires doivent être racontées (et comment), nous travaillons à l’invitation des communautés. Pour ce faire, nous avons décidé de nous assurer d’avoir élaboré une approche axée sur la sensibilisation afin d’établir des relations authentiques, réciproques et responsables avec les collectivités. En travaillant sur invitation, nous pouvons aller à la rencontre des communautés plutôt qu’elles aient à faire le chemin dans le sens inverse.
- Travailler en collaboration: en lien avec le concept précédent, nous travaillons évidemment en collaboration avec les gens et les communautés. Trop souvent, les artistes qui ne sont pas issus d’une communauté particulière s’approprient des histoires qui ne sont pas les leurs et exploitent les communautés pour leur propre bénéfice. Parce que notre travail est véritablement une représentation des histoires des gens, il est fondamental que nous nous engagions avec nos participants d’une manière réelle et authentique. Cela signifie donner des droits de direction et de veto à nos participants, même si cela signifie risquer la perte de ressources financières. Ce processus de travail en collaboration avec les communautés permet de faire ressortir les nuances intersectionnelles d’une manière qui aurait été impossible autrement.
À l’intersection de la confiance et de la responsabilité
La mise en pratique de l’intersectionnalité est en fin de compte un appel à l’action. Elle comporte toujours un aspect politique, parce que nos identités sont politiques. Quand nous avons créés les films « Amar : Deaf is an Identity », et « Loving our Language », nous avons collaboré avec notre ami (et maintenant membre du conseil d’administration), Amar Mangat, pour faire un film sur sa propre identité intersectionnelle en tant que personne queer, sourde et sud asiatique. Pendant la postproduction, Amar a remarqué que la visibilité de ses signes n’était pas idéale parce qu’il ne portait pas de noir (ce qui est la coutume pour signer sur la caméra), et nous a demandé de trouver un moyen de résoudre ce problème. Comme aucun d’entre nous ne connaissait la langue des signes américaine ni la culture des personnes sourdes, il aurait été ignorant de notre part de faire ce film sans collaborer étroitement avec Amar. Nous n’aurions jamais retenu ce qui pour nous ressemblait à des nuances subtiles, mais pour Amar et pour les personnes sourdes s’exprimant en ASL, ce sont des caractéristiques culturelles importantes que nous aurions déformées dans le film si nous n’avions pas réalisé le film en collaboration avec Amar.
J’ai également parlé avec Anoushka Ratnarajah, une amie et collègue, directrice artistique du Vancouver Queer Film Festival, de son approche en matière de responsabilité communautaire intersectionnelle, de profession commissariale et de réconciliation. Le Vancouver Queer Film Festival soutient Love Intersections depuis sa création, et Anoushka a invité l’organisme à devenir l’artiste en résidence locale pour la saison 2018. En utilisant le médium artistique du film comme étude de cas en particulier, Anoushka a discuté avec moi de l’histoire du film, et de ses racines dans la photographie et la cartographie. La photographie a d’abord été créée pour faire des représentations visuelles du monde au public, ou pour partager une vérité particulière, ce qui rend le médium intrinsèquement biaisé pour le praticien qui doit faire des choix. De plus, le développement du film lui-même a historiquement ignoré les gens de couleur parce que la gamme de lumière pour laquelle il a été créé à l’origine était faite pour ne capter que la peau blanche (Ratnarajah, 2018).
L’histoire coloniale et la suprématie blanche se recoupent aussi avec l’histoire du cinéma, en ce sens que les représentations des corps au cinéma ont également reflété les systèmes politiques qui ont maintenu le pouvoir par l’impérialisme. L’histoire derrière le « Blackface », caractéristique des acteurs blancs qui se peignaient comme des personnages noirs et feraient des caricatures racistes d’esclaves noirs, est un autre exemple historique de la façon dont le cinéma dépeignait à l’origine la blancheur comme plus désirable que le corps noir. Ces questions continuent d’être omniprésentes aujourd’hui. Par exemple, à Hollywood, seulement 31 % des chefs de file du cinéma sont des femmes et 13,9 % des gens de couleur (Ramón et al, 2018). De plus, les personnes de couleur ont tendance à être cantonnées dans certains rôles qui soutiennent les hiérarchies raciales, les stéréotypes et d’autres inégalités sociales.
Les questions susmentionnées de la responsabilité intersectionnelle sont très pertinentes dans le milieu du cinéma et des arts médiatiques. Dans ce contexte d’assujettissement colonial auquel sont confrontées les personnes de couleur, Anoushka discute également de la nécessité des réparations, de même que de la représentation et de la représentation comme forme de réparation : « Une partie de ma philosophie dans la prise de décisions de conservation ne consiste pas seulement à m’assurer que les personnes de couleur sont représentées, mais aussi à aller plus loin et à trouver des moyens de rendre les personnes de couleur, les peuples autochtones et les autres identités et organismes marginalisés plus visibles que cis, les corps blancs. Je perçois cela non seulement comme une forme de réparation, mais aussi comme un moyen de détourner le pouvoir et les privilèges de ce qui a été historiquement maintenu. » (Ratnarajah, 2018)
Comment ce discours sur la responsabilité prend-il forme dans nos propres pratiques artistiques intersectionnelles?
S’engager dans des processus de collaboration et d’écoute, nous permet de nous engager dans des voyages avec nos communautés, qui nous permettent ensuite d’interroger le pouvoir et l’inégalité. « Je pense qu’une chose importante (surtout en tant que conservateur) est d’avoir de l’humilité, et de reconnaître qu’on n’a pas besoin de tout savoir. » (Ratnarajah, 2018) L’établissement de partenariats réciproques avec les collectivités et les membres de la collectivité qui possèdent une expertise vécue peut être un moyen pour nous de rendre notre travail responsable. La réciprocité est également un moyen essentiel de transformer nos relations en les éloignant des relations transactionnelles, et d’ancrer nos solidarités dans la transformation. L’une des approches que nous employons (que nous avons apprise grâce au Theatre for Living) consiste à nous engager dans la réciprocité de manière à ce que notre pratique artistique serve les communautés. Cette intention signifie que nous devons continuellement vérifier la dynamique du pouvoir, afin de nous assurer que notre pratique artistique sert bien les communautés avec lesquelles nous collaborons.
En tant qu’artistes de couleur qui s’établissent sur des territoires autochtones non cédés, la notion de responsabilité est quelque chose à laquelle nous continuons de nous heurter en tant qu’artistes qui s’efforcent de mettre en place des pratiques intersectionnelles. En tant que colons, nous participons activement à l’asservissement et à l’extraction des ressources, des terres et de la culture autochtones. « En nous installant ici sur des terres indigènes non cédées, nous nous alignons sur l’État suprémaciste blanc qui nous profite et qui brime directement les droits des peuples autochtones. » (Ratnarajah, 2018) Pour cette raison, s’engager dans des processus de décolonisation et comprendre notre position en tant que colons immigrants doit faire partie intégrante des efforts vers une praxis intersectionnelle. Comment sont mes relations avec les communautés autochtones? Est-ce que ma pratique artistique sert la justice pour les communautés autochtones? Comment puis-je être plus responsable en tant que colons immigrant envers les Premiers Peuples? Ce ne sont là que quelques-unes des questions que nous nous posons en tant que colons de couleur et qui découlent de notre propre lutte contre les privilèges.
Les intersections de Love
Lorsque nous développions l’image de marque du collectif d’arts médiatiques (qui allait devenir Love Intersections), nous voulions trouver un langage qui capturerait non seulement nos intentions politiques/antiracistes autour de la praxis intersectionnelle, mais aussi nos intentions. Quel est le désir derrière la volonté d’utiliser l’intersectionnalité comme pratique artistique? Au cœur de nos intentions de transformation sociale se trouve un amour profond pour notre communauté, qui en fin de compte est composée de personnes différentes avec lesquelles nous avons des relations. Pour nous, il était important d’ancrer cela dans notre pratique artistique parce que nous ne voulions pas perdre de vue nos intentions derrière nos efforts d’aller vers une pratique intersectionnelle (une intention d’amour), et c’est pourquoi nous avons finalement décidé de nommer notre organisme « Love Intersections ».
La notion d’« amour » suggère également des fondements philosophiques au discours de la praxis intersectionnelle qui a été discuté dans cet article. Alors que l’amour peut être décrit comme une intention, les aspects relationnels de l’amour nous implorent d’entreprendre le travail pour rendre nos relations responsables, respectueuses et réciproques. L’amour exige aussi du travail, ce qui inclut l’engagement dans des processus de responsabilité. Ce travail se fait aussi continuellement et exige une attention constante au pouvoir et aux façons dont le privilège et l’oppression se déroulent sous le système colonial et suprémaciste blanc dans lequel se déroulent nos pratiques artistiques.
Références
Hunt, D., Ramón, A., Tran, M., Sargent, A. et Roychoudhury, D. Hollywood Diversity Report 2018: Five Years of Progress and Missed Opportunities. UCLA College of Social Science Institute for Research on Labor and Employment. 2019. Los Angeles.
Crenshaw, K. 1989. Demarginalizing the Intersection of Race and Sex: A Black Feminist Critique of Antidiscrimination Doctrine, Feminist Theory, and Antiracist Politics. The University of Chicago Legal Forum. 140:139-167.
Latif, Nadia. It's Lit! How Film Finally Learned to Light Black Skin.” The Guardian, Guardian News and Media, 21 septembre 2017, www.theguardian.com/film/2017/sep/21/its-lit-how-film-finally-learned-how-to-light-black-skin.
Ratnarajah, A. Personal Interview. 8 november 2018.
Smith, David. Racism' of Early Colour Photography Explored in Art Exhibition. The Guardian: Guardian News and Media, 25 janvier 2013, www.theguardian.com/artanddesign/2013/jan/25/racism-colour-photography-exhibition.
David Ng est un artiste queer féministe et cofondateur de Love Intersections, un collectif d’arts médiatiques composé d’artistes queer de couleur. David est un défenseur passionné de la justice sociale, qui a également cofondé et œuvré au sein de nombreuses campagnes artistiques anti-oppression et de nombreux projets allant de campagnes féministes contre la violence à l’effort de décolonisation, en passant par la sécurité culturelle, l’antiracisme et d’autres formes d’art et d’activisme pour la justice sociale.
Image de bannière: de Yellow Peril: Queer Destiny, fourni par David Ng